Quelques textes écrits pour Kaleidoplumes. Un gros pavé sous lequel, je ne suis pas sure que vous trouviez la plage....
IL Y A 27 JOURS, 11 HEURES ET 13 MINUTES....
Il
y a 27 jours 11 heures et 13 minutes que tu es parti. Que tu m' as
laissée seule dans ce village,cette maison que tu avais choisi. "Pour
que toi et moi devenions NOUS " me disais tu.Deux années de NOUS et
puis plus rien. L'oubli de moi.
Il y a 27 jours 11 heures et 13
minutes , tu t' es levé , tu m' as embrassée et tu es parti comme tous
les autres matins. Après ... ce message sur le répondeur: " Ecoute, ne
m' en veux pas, je ne rentre pas, je ne rentrerai plus, je ne sais pas
expliquer pourquoi, mais NOUS c' est fini ". Je me suis couchée par
terre et j' ai pleuré, je crois que depuis 27 jours 11 heures et 13
minutes, je n' ai pas arrêté de pleurer.
Depuis je reste seule ,
malgré les coups de fil des amis qui me disent ces mots que je déteste:
"tu es jeune, tu recommenceras; il ne te méritait pas , oublie le; un
de perdu , dix de retrouvés". Malgré les gentils sourires de la
boulangère, la sollicitude de ma voisine d' en face. Dans ma tête, en
boucle, je cherche ce que je n' ai pas vu, ce que je n' ai pas
senti....Y a t il eu un moment ou tu as changé, ou tu montrais que tu
ne m' aimais plus? Ce matin là, est ce qu' il y a eu un signe? Ton
baiser était le même, simplement je me souviens..tu ne m' as pas dit "
à ce soir" ....
Il y a dix jours, ma voisine est morte, tous les
jours depuis qu' il n' y avait plus toi, elle venait pour m' apporter
des cerises de son jardin, un morceau de pain qu' elle avait fait. On ne
parlait de rien , mais c' était la seule à qui j' ouvrai ma porte. Elle
est morte, tranquillement dans son lit. Ses enfants sont venus , ils
ont fermés les volets de sa maison et sont repartis sur Paris.
Depuis
ce jour, j' ai fermé mes volets, débranché la télé , décroché le
téléphone . J' ai peur un jour de ne plus me souvenir de ce qui était
toi. Alors, je me raconte, tes yeux, ta bouche, tes mains,ta voix, ton
cœur. J' essaie de faire le lien entre celui que j' aime, et celui qui
a pu partir , sans un mot . Le maillon manquant ,est ce une fille, une
secte, es tu devenu fou, es tu gravement malade ? Dans le noir, j' ai
perdu le sommeil, l' idée des autres et de l' heure ,l' appétit et le
respect de moi même. Dans le noir, je me traine à tes pieds, je te
demande pardon de fautes que je n' ai pas commises .Dans le noir, je t'
insulte ...comment çà "ne m' en veux pas"...je te hais. Dans le noir je
te hais et tu me manques.
Il y a 27 jours 11 heures et 13
minutes que tu es parti. Dans l' ombre de mes volets clos, j' attend de
voir qui va gagner. La rage contre toi qui me dit de quitter cette
maison et le mensonge qu' elle représente, ou l' impossibilité du "sans
toi" , l' envie de rester là , de ne plus exister pour me punir et te
punir. Ne plus respirer , jamais. Sans bruit, sans cri, sans appel au
secours, seule. Derrière mes volets fermés, mon chagrin est pudique.
ALYA....consigne 20..
Dans l' avion qui vole vers Tel Aviv...
J' ai 76 ans. J' oublie souvent mes clefs, les rendez vous. Je n' oublie plus depuis quelques temps mon passé. Je suis juive, maintenant je le sais.
J'
ai voulu l' ignorer pendant très longtemps.J' ai tout refusé de ce qui
aurait pu m' y rattacher. Jusqu' à mon prénom et mon nom que j' ai
travesti. Oublié le gout des Matsots de Pessah et des choux-choux d' Anoucca.Effacée la "Dona dona" chantée par ma maman.
Me
tenir éloignée de ce qui m' avait enlevé, mes parents, ma soeur, mon
insouciance, ma jeunesse. Folie d' enfant. Folie de la prisonnière qui
se sent coupable et en oublie son tortionnaire. Maintenant, je sais
celà aussi. Là dans mon sac, il y a cette feuille d' écolier ou j' ai écrit, il y a 60 ans jour pour jour: "14
MAI 1948. L'état d' Israël vient de naitre .Quel avenir pour moi? Fuir,
oublier, refuser, ne plus avoir confiance, me boucher les oreilles,
fermer ma bouche et mon coeur. Enfermer mes souvenirs et ne plus jamais
les rechercher. Rejeter. Surtout ne plus jamais me laisser faire. Me
taire et oublier pour mieux recommencer."
Les larmes aux coin des yeux , je revois cette jeune fille, puis cette femme vivant les poings serrés et le cœur mort.
Un
mariage rapide, un divorce dans la foulée, un garçon, deux petits
enfants. La solitude. Cette obligation de continuer à me taire.Ne plus
pouvoir parler, parce que j' avais perdu mes mots.Ne pas vouloir
entendre ni voir. Le cœur noué au détour d' une chanson, d' un film,
et toujours ne pouvoir rien expliquer.
Et puis depuis quelques
temps, me lever avec cet air yiddish dans la tête, acheter un
chandelier dans une brocante, et m' apercevoir qu 'il a 7 branches,
revoir le regard de mon père, le rire de ma petite sœur, sentir la
main de ma mère, me retourner quand on appelle Sarah...me souvenir par
bribes de la prière de Shabbat...
Parler à mon fils, lui
raconter, lui expliquer, pleurer longtemps dans ses bras. Savoir
maintenant que je n' étais pas coupable d' être juive.
Et puis, me décider parce que je leur, je me dois bien çà, à faire mon alya...
A
mon arrivée à Tel Aviv , mon premier geste sera d' aller au mur des
lamentations, d' y déposer ma lettre, je suis sure que celui dont on n' écrit pas le nom comprendra ...
L 'avion se pose. J' arrive le jour
des 60 ans d' Israël. L' hôtesse de l' air vient m' aider, je lui souris et je lui dit: Toda. Mon premier mot d' hébreu depuis si longtemps...
ON IRA TOUS AU PARADIS....consigne 23
J' ai emménagé hier , au 12 impasse des délices.
Pas le temps de m' installer que la fête des voisins s' organise sous
ma fenêtre..la vie est vraiment bien faite !!!!
Jean blanc,
tee shirt blanc, je prépare un grand pot de cocktail Paradise: gin,
liqueur d' abricot, jus d' orange. Je me dépêche de rejoindre les
autres..dommage cette migraine qui me taraude depuis mon installation.
Tant pis, je ne boirai pas trop ce soir!
Une grande table
,recouverte d' une nappe blanche est installée au milieu de la rue,
face à ces petites maisons toutes semblables .Un petit air anglais sous
un soleil flamboyant. Sur la table quelques bouquets de "Forget me
not". " Bonjour ,je suis la nouvelle du numéro 12, je suis contente de
vous rencontrer. Je vous ai préparé du Paradise, en référence au
"Jardin des délices" qui est l' autre nom du Paradis, et pas seulement
le titre d' une chanson de Patrick Bruel". Ils me sourient et me
remercient.
Il y a un vieux monsieur qui me raconte qu' il ne
sait plus depuis quand il habite là,mais il y a très,très longtemps,
vous savez. Une petite fille joue à la marelle, et passe en riant de l'
enfer au paradis. Un couple danse lentement sur la chanson de Gloria
Lasso " Etranger au paradis". Un homme d' une quarantaine d' années, me
dit qu' il a enfin eu le temps de voir "A l'est d'eden".
L'
ambiance est calme, ouatée. Les conversations sont légères et
insouciantes.Pas un mot sur l' augmentation de l' essence, sur la
baisse du pouvoir d' achat....Tant mieux ,car j' ai du mal à suivre .
Mon mal de tête est de plus en plus fort, et une douleur au cœur m'
étreint. A table, crie une habitante portant une
magnifique robe blanche brodée...on dirait une mariée. Une jeune femme
habillée vintage s' assoit près de moi en fredonnant..." un p'tit coin
d' paradis contre un coin d 'parapluie ,elle avait quelque chose d' un
ange".
Je suis fatiguée. Je regarde mon tricot. D' ou vient
cette tache rouge . Cette atmosphère bizarre qui me donne l' impression
d' être sur nuage. Ce soleil qui n' en finit pas de briller. Ces gens
qui m' entourent tous habillés de blanc, l' air évanescent. Qu'est ce
qu' ils ont dans leur dos...on dirait des ailes...Je ferme les yeux.
Une énième dispute. Des cris. Un couteau dans sa main. Du sang. Je veux
dormir. Et cette chanson de Polnareff, qui hurle à la radio " On ira
tous au paradis ,même moi...".
CHANGEMENTS....consigne 21
Marseille. 35 ans. Religieuse. Professeur d' anglais au Cours Notre Dame de France.
9 MAI 1968
Nous écoutons la radio le soir avant la prière. On y raconte ces
garçons et ses filles qui balancent des pavés sur les forces de
police.Les journalistes parlent de morts, de blessés.Ils interviewent
les leaders du mouvement.Leurs propos sont abruptes et vulgaires. Au
Cours, les élèves commencent à poser des questions. " Pourquoi on ne
parle jamais de Sartre, de Simone de Beauvoir, en français, en philo?"
. Je leur ai répondu que ce n'était ni des écrivains ,ni des
philosophes, seulement un homme et une femme qui écrivaient des choses
immorales et qui justifiaient ainsi leur façon de vivre.
11 mai. La
France se paralyse.Les étudiants, les lycéens et pire leurs profs, sont
dans la rue. Les ouvriers, tous communistes, sont avec eux.. A
Marseille, il y a de grands défilés.Le maire, demande à tous les
Marseillais de suivre le mouvement.Celà ne nous a pas étonné de la part
d' un maire socialiste. Les lycées ont fermé leurs portes. Dans le cas
contraire, des piquets de grève en interdisent l' accès. Nous, nous
fermons à clé les grands portails de la rue Breteuil, et nous avons
organisés un tour de rôle pour faire le guet depuis la loge de la
concierge. Quelques élèves revendiquent le droit de ne plus porter d'
uniforme , d' en finir avec la messe obligatoire. Heureusement c' est
une minorité. Nous sommes inquiètes de voir notre pays tomber dans l'
anarchie.Le soir nous prions pour la France.
13 mai Il
devient de plus en plus difficile de faire cours. Les élèves sont
excitées, certaines parlent d' aller rejoindre les manifestants à la
sortie.J' ai pris sur moi de prévenir les parents. Une terminale a amené un petit poste à piles. Je
lui ai confisqué. Je l' ai gardé dans ma chambre. Nous n' avons pas le
droit d' avoir ce genre de chose. Je ne sais ce qui m' a pris. Nous
avons encore une fois écouté les informations.Je regrette que nous n'
ayons pas de télévision. Je me pose beaucoup de questions. 18 mai. Certaines
de mes élèves sont venues me voir à la fin du cours, pour me demander
,si elles pouvaient apporter leurs disques , que je les aide à traduire
les paroles. J' ai eu envie de dire oui , mais mes sœurs n' auraient
pas compris.... Ce soir, nous avons beaucoup discuté entre nous. Les
autres ont peur, de la révolution , de la chute des valeurs
chrétiennes..Notre directrice nous a fait un long sermon. Elle a rejeté
en bloc toute idée de changement. Nous devons maintenir nos élèves dans
le droit chemin et l' obéissance. Les idées révolutionnaires ne sont
rien d' autres que des paroles du Mal, et nous devons, nous en
protéger... Nous avons prié pour le Général de Gaulle..Le soir, tout
doucement, j' écoute les informations sur le poste que j' ai gardé. Il
y a aussi des chansons, certaines me touchent, celles de la comédie
musicale "Hair", par exemple. Je me demande si malgré les excès ,
certaines choses positives ne vont pas sortir de ce printemps
bousculé.Le mot Révolution doit il toujours nous faire peur? Doit on
refuser de parler, des garçons, de l' amour, de la liberté? .Mon cœur
bat comme celui d' une adolescente.Je demande pardon à Jesus pour ces
excès.
22 mai. Aujourd' hui passent en conseil de
discipline, deux élèves de seconde. La première a chanté en début de
cours de Maths, l' Internationale, le poing levé. La deuxième a affiché
une feuille avec écrit : "Plus je fais l' amour, plus j' ai envie de
faire la révolution.Plus je fais la révolution ,plus j' ai envie de
faire l' amour".3 jours de renvoi. J' ai essayé de minimisé, d'
argumenter que c' était plus de la provocation adolescente qu' un acte
révolutionnaire. Mes compagnes, ne m' ont pas écouté. Ni même comprise.
Pour elles, c' est le début infernal de la débauche. Qu' il en allait
de Dieu, du Pape et du Président de la république. J 'ai pensé que
Jésus était passé pour un dangereux révolutionnaire. Qu' il avait tendu
la main à Marie Madeleine.. A la discussion de soir, je me suis tue. J'
ai parlé à Dieu, lui demandant de m' aider à y voir plus clair, parce
que je ne suis plus sure que tout soit à rejeter dans cette révolution..
28 Mai. J'
ai caché mon journal. Marseille est mort. L es ordures ne sont plus
ramassées , les magasins sont fermés, les administrations aussi. Ici,
nous continuons nos cours...Les manifestations jusque sous nous
fenêtres exacerbent les esprits. Un petit groupe d' élèves tente de
faire rentrer Mai 68 dans nos murs. Des slogans sont écrits sur les
pages des cahiers. "SOUS LES PAVES LA PLAGE". "A toi l' angoisse à moi
la rage" .Je trouve qu' ils sont poétiques et je ferme les yeux. Je
réfléchis beaucoup sur mon choix de vie.Je ne le regrette pas.J' ai la
Foi et je sais qu' en rentrant dans les ordres, j' ai trouvé ma place
.Mais cette petite brèche sur le monde me taraude. Est ce mon rôle de
maintenir ces filles contre vents et marées dans un carcan ? Est ce
réellement être fidèle à Jésus de ne rien vouloir entendre? ..J' ai
beaucoup de mal à dormir, partagée entre l' envie de voir cette
révolution faire changer le monde et la peur de l' inconnu...Je prie
Marie de m' aider.
31 Mai. Grande manifestation de soutien au
General de Gaulle.La révolution s' est arrétée là devant ce mur de
résistance.Mes sœurs sont soulagées. Le Bien a gagné, disent elles.Moi,
je crois que rien ne sera comme avant. Moi, en tout cas, je ne suis
plus la même.
15 juin. J' ai demandé à quitté le Cours
Notre dame de France, cet été, et à intégrer notre école à Dakar. J'
emporte avec moi, cette petite radio qui représente tant pour moi.
VOS DIEUX ONT LES MAINS SALES.....consigne 25
Lettre à l' attention de Maitre Deville. 12 juin 2008.
Depuis
des années, j' ai choisi le silence. Depuis des années , je refuse de
répondre à vos questions. En ce jour de demande de pardon à mon peuple
par le gouvernement canadien, peut être est- il enfin l' heure de me
confier. Sachez quoiqu' il en soit,que je ne répondrait plus à vos
courriers, ni à aucune demande de rencontre.
Je suis né en 1960
dans un famille indienne à la Huque . A six ans , des hommes m' ont
amené au pensionnat de Saskatchewanes. Je n' ai plus jamais revu mes
parents .
Tous les jours ,le directeur nous rassemblait et nous
répétait combien nous avions de la chance d' avoir été éloigné des
nôtres, de pouvoir avoir accès à la culture et aux études. Il me
félicitait toujours pour mes bons résultats . Quand il s' approchait de
moi, je baissais les yeux et fermait moncœur.
Nous n' avions aucune récompense
,jamais, des bleus sur le corps très souvent. Les moqueries , les
douches glacées , la peau frottée jusqu' au sang pour effacer à jamais
la couleur sombre de mon peuple. Les prières forcées à ce dieu qui n'
était pas le mien. Des années à entendre que ma mère était une
chienne et mon père un loup. Tout ce temps à m' expliquer de gré ou de
force que ma terre ne m' appartenait pas, que ma culture était
mauvaise, que les miens étaient les fils du diable. J' ai fini par en
oublier mon vrai prénom, le regard de ma mère et la voix de mon père. J' ai vécu dans une soumission totale à leurs idées, leurs envies.
Arrivé
à 6 ans, j' en suis sorti à 21 ans, mon diplôme universitaire en poche.
J' ai continué mes études et travaillé en tant que consultant financier
pour une grande banque.
Plus le temps passait plus ce que j'
avais vécu m' était douloureux. J' avais mal, comme si on continuait à
me frapper, j' avais honte comme si on continuer à me violenter. Les
mots employés contre mon peuple hantaient mes nuits. Je savais que j'
étais Huron. Je savais que jamais la terre, le ciel, le feu et l' eau,
n' auraient autorisé ce que leurs dieux avaient permis . La haine
était en moi,tapie. Ce jour là ,elle a été la plus forte. Je suis
devenu ce pourquoi ils m' avaient puni. Le fils d' une chienne et d' un
loup. Cette nuit là j' ai tué pour la première fois. Enfermé ici, je
paye ma double peine : celle de la justice, celle de leur avoir donné
raison. Prison de Cowansville. ASKOOK (le serpent).
"Vos dieux ont les mains sales". titre d' une chanson d ' IAM.
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